samedi 20 septembre 2014

Quid de la légalité des relevés de notes « des recalés du baccalauréat» de la session de juillet 2014?

  • Loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant orientation générale de l’éducation, de la formation et de la recherche.
  • Décret n°450/PR/MENSTFPRSCJS du 19 Avril 2013 fixant les modalités de préparation, d’organisation et de délivrance du baccalauréat.


Au sens des textes sus-indiqués, il ressort que «le baccalauréat d’enseignement général ou technologique se fait en deux parties. La première partie se déroule en fin de classe de première et la deuxième partie se déroule en fin de classe de terminale ». La publication du 3 septembre 2014 intitulée « les recalés du bac : que dit La loi ? » démontre avec beaucoup de pédagogie que les nombreux actes pris par les autorités politiques et administratives ne pourraient et ne sauraient suspendre, abroger ou se substituer à ces derniers.

En l’absence de nouvelles règles (loi ou décret) et dans le souci d’assurer le respect des garanties fondamentales des administrés seul le décret n°450/PR/MENSTFPRSCJS du 19 Avril 2013 fixant les modalités de préparation, d’organisation et de délivrance du baccalauréat et la loi n°21/2011 du 14 février 2012 portant orientation générale de l’éducation, de la formation et de la recherche sont applicables en l’espèce. Ceci étant dit, il convient de s’intéresser dès à présent à la question de la légalité des relevés de notes.

Les références textuelles utiles au développement

Le Chapitre sixième du décret sus-indiqué intitulé « De l’admission et de la délivrance du diplôme » dispose en son article 28 que «la première partie du baccalauréat est constitué d’un examen qui porte sur les disciplines non fondamentales de la série et des notes des classes de seconde et de première. »
L’article 29 dispose quant à lui que «  la deuxième partie du baccalauréat est constitué d’un examen qui porte sur les disciplines fondamentales de la série et des notes de la classe de terminale.
Ensuite, l’article 31 ajoute que « pour la deuxième partie, la moyenne des notes de la classe de terminale compte pour un tiers (1/3) et la moyenne de l’examen compte pour deux tiers (2/3). »
Pour finir, l’article 34 dispose que « l’admission définitive au baccalauréat est prononcée pour les candidats ayant obtenu une moyenne d’au moins  10/20 à chacune des deux parties du baccalauréat ou une moyenne de 10/20 pour ceux qui passent uniquement la totalité des épreuves, ou encore une moyenne de 10/20 pour ceux qui passent la totalité des épreuves avec prise en compte de leur moyenne annuelle de terminale, selon les proportions indiquées à l’article 31 ci-dessus. »

Quid du mode de calcul légalement consacré pour l’obtention du Baccalauréat.

Pour l’affaire qui nous interpelle, la question envisagée par l’article 28 ne semble pas poser de souci tant le Ministère de l’éducation national a déclaré que « les candidats ayant obtenu la première partie du Baccalauréat conservent cet acquis ».  Ces derniers ont donc, malgré l’imbroglio, passé la deuxième partie du Baccalauréat sur les disciplines dites fondamentales de leur série respective. Autrement dit, la question de la reconnaissance du bac 1 ne se pose pas, il est plutôt question du bac 2.

Toutefois, pour ce qui concerne les articles 29,31 et 34 nous nourrissons de nombreuses inquiétudes quant à leur compréhension malgré leurs clartés.

Ainsi, ce qu’il convient de retenir ici c’est que la moyenne de la deuxième partie du baccalauréat est calculée en prenant en compte à la fois l’examen et les notes de la classe de terminale. Il s’agit donc d’éléments cumulatifs qu’il faut prendre ensemble dans l’appréciation du mérite des candidats. Car la moyenne des notes de la classe de terminale représente le 1/3 de la moyenne finale et la moyenne de l’examen compte pour les 2/3 de cette dernière. Autrement dit, lorsque l’article 34 dispose que « l’admission définitive au baccalauréat est prononcée pour les candidats ayant obtenu une moyenne d’au moins 10/20 à chacune des deux parties du baccalauréat… » Il est question dans ce calcul des 1/3 des notes de la classe de terminale et 2/3 pour la moyenne de l’examen.

Par conséquent, ces deux éléments, indispensables pour déterminer l’admission ou l’ajournement d’un candidat, doivent impérativement figurer sur le relevé de notes.
Aussi, sachant que le relevé de notes est un document qui peut se révéler indispensable pour une inscription dans une école ou une université, il est donc indispensable voire impératif que toutes les notes y soient retranscrites. Pour la cause qui nous rassemble « recalés du baccalauréat » il n’apparaît nul part dans aucun relevé de note que les notes de classes de terminale aient été prises en comptes. Dans le relevé de notes du baccalauréat faisant office de relevé de la deuxième partie du baccalauréat y figurent seules : les notes des disciplines fondamentales de la série, le total de point obtenu, la moyenne et en nota bene  la mention « candidat admis à la première partie du baccalauréat en 1 ère » ce qui à notre avis n’est pas indispensable. Ce relevé est selon toute vraisemblance contraire à l’article 29 du décret n°450/PR/MENSTFPRSCJS du 19 Avril 2013 fixant les modalités de préparation, d’organisation et de délivrance du baccalauréat susmentionné. Le relevé de notes de la session juillet 2014 joint en bas de page montre à suffisance que seules les disciplines fondamentales de la série B ont seules été pris en considération pour déterminer la moyenne du candidat déclaré « ajourné ».

Toute chose qui laisse perplexe quant aux garanties de transparences et d’égalité des candidats.
Aussi, comment justifier la régularité d’un relevé de notes si on n’est pas capable d’apporter la preuve de la conformité de ce relevé de notes par rapport aux dispositions en vigueur ?

La garantie de l’égalité de traitement des candidats passe également par la transparence dans le calcul de  la moyenne attribuée aux dits candidats.
En définitif, l’absence de la moyenne des notes de la classe de terminale pose donc de sévères difficultés quant à la légalité des relevés de notes de la deuxième partie du baccalauréat.

Ce vice implique par voie de conséquence, le jury étant par principe souverain (ce qui signifie par définition que lui seul est susceptible de le modifier ou de le retirer sa délibération), que soit convoquer à nouveau le jury afin que cette irrégularité soit réparée. Le principe de souveraineté du « jury » ne s’oppose pas au fait qu’il ne doit pas méconnaitre le principe d’égalité.

C’est notamment sur ce fondement que le ministère de l’éducation national et de l’enseignement technique et professionnel par la voie de son ministre Pr Léon NZOUBA a invité le jury à redéliberer en mi aout.
Cette redélibération prononcée en mi-aout a donc automatiquement fait disparaître la première délibération. Toutefois, curieusement, contrairement à ce que prévoit certains principes fondamentaux le gouvernement réuni en Conseil de Ministre  annulé cette délibération.

SUR L’ILLEGALITE DE L’ANNULATION DE LA REDELIBERATION DU JURY D’EXAMEN

Tel qu’indiqué plus haut, le seul moyen qui était offert à l’administration pour réparer l’irrégularité était d’organiser une nouvelle délibération. Ce qui fut le cas avec la redélibération prononcée en mi aout. Le Conseil d’Etat a notamment jugé que lorsque la délibération du jury est entachée d’erreur matérielle ou de vice de procédure, l’administration est tenue de demander une nouvelle délibération, qu’il s’agisse d’un concours (CE Sect. 27 mars 1987, simon, Lebon p.108) ou d’un examen (CE 29 juillet 1983, Meziani, Lebon p. 348). Au regard du vice de forme, le ministère de l’éducation national et de l’enseignement technique et professionnel était donc habilité à inviter les membres du jury à redélibérer. Ceci d’autant plus que l’article 17 alinéa 1 du décret sus-indiqué dispose que « l’organisation de l’examen du baccalauréat relève exclusivement de la compétence du ministère en charge de l’éducation nationale et de l’enseignement technique et professionnel. »
C’est donc, en principe, en toute liberté et conformément au principe souveraineté que le jury s’est à nouveau prononcé sur le sort des dits « recalés ».
La reconnaissance du pouvoir souverain du jury d’un examen ou d’un concours dans l’appréciation des candidats est un principe jurisprudentiel très ancien (CE 11 aout 1869, De Dampière, lebon 792).  On considére que de ce principe à trois corollaires. En premier l’administration comme le juge ne peuvent empiéter sur le pouvoir du jury quant à l’appréciation de la valeur des candidats. Ensuite, la compétence discrétionnaire du jury en la matière ne s’étend pas au-delà de l’appréciation du mérite. En dernier, il implique que le jury ne puisse renoncer à exercer son pouvoir lorsque des notes ont été attribuées par le ou les correcteurs d’une épreuve. La jurisprudence (CE 20 mars 1987, M. Gambus) nous enseigne même que le jury n’étant pas tenu de confirmer une note attribuée par un correcteur, il serait en droit, le cas échéant, d’augmenter cette note au-delà du seuil qui la rendait éliminatoire en application du règlement de l’examen sans que cela puisse être remis en cause.
Au regard de tout ce qui précède, une seule question me vient à l’esprit : sur quel fondement le Conseil de Ministres est il intervenu pour annuler la rédélibération du jury de l’examen du bac ?
Cette irruption de l’administration par la voie du Conseil de Ministres est en totale contradiction au principe de souveraineté du jury.

Loin d’être un acte administratif opposable au jury, la décision prise en Conseil de Ministre doit plutôt être interprétée comme un désaveu du gouvernement à son ministre et rien d’autre. Car comme on l’a vu plus haut le pouvoir souverain du jury s’impose à l’administration par conséquent au gouvernement même réuni en Conseil de Ministre. L’administration ne peut donc porter atteinte à ce pouvoir, le ministre de la marine français le reconnaissait déjà il y a plus d’un siècle dans ses observations publiées au Receuil Lebon sur l’affaire De Dampierre jugée par le Conseil d’Etat «  les décisions du jury d’examen sont souveraines… il ne m’est pas permis de les réviser ». Le principe de la souveraineté du jury a été constamment réaffirmé par la jurisprudence par conséquent il n’est pas question de céder face aux immixtions intempestives de l’administration.

Aujourd’hui la seule décision qui prévaut, contrairement aux déclarations incendiaires du porte parole du gouvernement, c’est bien celle issue de la délibération du jury de mi-aout. Il est inadmissible que dans un Etat de droit le gouvernement puisse impunément violer les principes et libertés fondamentales.
Alors, afin de préserver la liberté, l’impartialité et l’indépendance il est important voire impératif de lutter contre toute violation de ce principe. C’est pourquoi nous invitons l’administration au respect des règles établies car elles sont gage d’égalité et de stabilité sans lesquelles aucun Etat de droit ne serait envisageable.

Les actes du gouvernement, lorsqu’ils interviennent dans les matières où se manifeste la fonction d’ »administrer », n’étant pas insusceptible de recours même pris en Conseil de Ministre, nous avons la faiblesse de croire que cette décision sera retirée avant qu’une action en justice soit menée pour l’y contraindre. Car nous  faisons parti de ceux-là qui croient en la justice et en la force de nos institutions.



Rodolphe BOUSSOUGOU KOUMBA

Relevé de notes anonymisé 



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